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Attal et baisse de niveau des élèves : halte au bidouillage et place aux choix stratégiques !

Un plagiat ?

Le 31 décembre 1994, François Mitterrand prononçait ces mots à l’occasion de ses derniers vœux : « Je crois aux forces de l’esprit. »

Le 13 novembre 2023, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, prononçait ces mots dans une tribune du journal Le Monde : « Je crois aux forces de l’écrit. »

Un bouc émissaire

Une Rectrice, pour la première fois, est annoncée comme soumise à des sanctions suite aux courriers que ses services ont adressés aux familles liées à une problématique de harcèlement. Comme il y a eu le suicide d’un élève, il faut montrer qu’on agit et par conséquent désigner un responsable, visible et identifiable.

Mais, c’est l’arbre qui cache la forêt car en réalité l’évitement et la non-prise de décision règne au sein de bon nombre de services grâce au mille-feuilles bureaucratique, savamment entretenu.

Ainsi au non de la concertation inter-catégorielle, un directeur académique va solliciter l’avis de bon nombre des acteurs concernés par la problématique en jeu, avant de prendre une décision ou plutôt d’écrire aux protagonistes de l’incident en question.

Les délais de réponse de chacun s’additionnent, les enjeux professionnels de ces personnels parasitent évidemment leurs réponses circonstanciées au profit de la langue de bois. La multiplication des avis, amalgamée à la complexité des problèmes à traiter, rendent ainsi insaisissables la plupart du temps les contours d’une réponse où tout et son contraire peuvent devenir objet de récupération.

Ainsi le cadre responsable s’abrite derrière ce processus comme pour se dédouaner, mais surtout s’interdire de la clarté et de devenir alors une cible : Vivons cachés !

C’est à ce processus que le ministre devrait s’attaquer, car ce mécanisme est à la racine de tous les désengagements des personnels. Par voie de conséquences, personne ne s’attelle véritablement à la question fondamentale du niveau des élèves. Les professeurs baignent dans des circonvolutions administratives permanentes, donc anesthésiantes !

Que dire du niveau des élèves, en général de toute manière, et en 4ème par exemple, puisque là se tournent en ce moment les projecteurs !

La « comm » et ses sparadraps

Les groupes de niveau constituent une énième mesure décrétée à la hâte sans que cette « vieille lune », semblable aux collèges de niveau, n’aient prouvé son efficacité de façon évidente.

Finissons-en, ce sont clairement toutes les formes de mixité qui assurent les progrès, pour tout type d’élèves et en tout lieux !

La réponse aux difficultés des élèves ne passent évidemment par le sur-ajout d’une mesure à glisser dans des emplois du temps, par ce type de mesurette « sparadrap ».

L’abîme est tel que seule une stratégie pluri-annuelle peut apporter des résultats pérennes.

Prenons l’exemple des dédoublements des GS,CP et CE1 en REP et REP+ ainsi que la limitation à 24 élèves dans les GS, CP et CE1 qui commencent à produire leurs effets au bout de 6 ans.

La stratégie à questionner est celle d’un choix qu’il va bien falloir enfin opérer, quels que soient les egos des ministres ou encore leurs échéances électorales. Au-delà des débats ésotériques des cercles habituels et de leurs coquetteries intellectuelles, la nation va devoir choisir entre la priorité à l’éducation et la priorité à l’instruction pour les collégiens.

Le collège doit-il continuer à être le lieu où l’on apprend les comportements sociaux ou bien le lieu unique de l’apprentissage des savoirs et de leurs hiérarchisations _ ce que n’opèrent pas les réseaux sociaux ! Si la littérature joue un rôle quant à la connaissance d’autrui, elle ne suffit plus à façonner le « bon citoyen » depuis les années 70 où le rapport auteur-lecteur s’est comme inversé dans la notion de modèle. L’Ecole ne peut pas accomplir seule les multiples et complexes apprentissages de la citoyenneté.

Va-t-il s’agir de compenser les déficits éducatifs des familles_ en tout cas jugés comme tels_ ou bien enfin de consacrer essentiellement le temps scolaire à l’apprentissage des savoirs scientifiques ? Au fond, que doit venir faire au collège un pré-adolescent en 2023 ?

On ne compte plus les journées particulières, les semaines thématiques, les campagnes du vivre-ensemble sous toutes leurs formes, les projets hétéroclites au gré des particularités locales voire de leurs personnalités, les affiches, les slogans, les fresques, les visites, les sorties, les voyages, les pseudo-brevets, les délégués –papiers, les animations diverses, les « sensibilisations » comme l’on dit, le savoir nager, le savoir rouler, le savoir de « je ne sais quoi », l’anglais touristique du 1er degré ou bien encore les 30 mn d’Activité Physique Quotidienne dites APQ, etc. A quand le savoir cuisiner ou le savoir bricoler !

Toute cette liste à la Prévert va-t-elle faire place à un nombre substantiels d’heures de cours dans les disciplines fondamentales. Ainsi, 13 heures de français et de mathématiques en CM2, c’est totalement insuffisant au regard du niveau des élèves.

Sans être qualifié de passéiste, et encore moins de réactionnaire, je crois aux vertus des méthodes sollicitant des répétitions, ou bien des formes de systématisations tels que les laboratoires de langues le proposaient. La démarche analytique doit être, me semble-t-il, consubstantielle à celle de l’exécution et pas seulement, en France, un préalable à tout apprentissage.

A titre d’exemple, dans le groupe de sens « la bêtise –dont- je parle » et non pas «  –que- je parle » fréquemment entendu_ mais abandonné à l’erreur par lassitude_ il s’agit d’exiger la correction syntaxique, avant de s’attarder auprès des élèves sur les origines linguistiques de la faute.

Toutefois, retrouver la rigueur c’est moins valider telle ou telle méthode que de refuser qu’une notion fondamentale dans l’usage de sa langue maternelle ne soit absolument pas maîtrisée.

Face à l’urgence, le temps nécessaire doit y être totalement consacré, en faisant fi des divertissements précités : c’est comme l’ambulance qui a le droit de s’affranchir des feux rouges en cas d’urgence ! Eh bien, face aux difficultés de niveau des élèves, peut-être faut-il aussi s’affranchir des programmes pour résorber les déficits en maths et en français ! En résumé, il s’agit coût que coût d’asseoir les fondamentaux.

S’agissant des directeurs et des inspecteurs, invisibles dans l’espace médiatique_ responsables revendiqués, mais in fine nulle part mis en cause_ il va leur falloir réhabiliter les exigences, et cela en en assumant alors les conséquences, c’est-à-dire en relayant la mise au grand jour des manques et des errements qu’ils ont soutenus depuis maintenant plusieurs générations.

Ils en sont coresponsables. Ils ne sauraient à ce titre continuer à s’en dédouaner et à désigner des boucs émissaires_ parmi eux les professeurs_ ou pire encore, à s’en remettre à toutes les formes dilatoires de leurs lendemains, derrière lesquelles ils se dissimulent pour ne jamais s’engager et au fond ne rien proposer.

Ils devront cesser de se positionner au regard de leur unique préoccupation : celle des remous médiatiques qu’ils s’emploient à étouffer par la « com » devenue leur seul enjeu quotidien…pour leurs carrières !

Ce sont des cadres, certes, mais déguisés en de petits et piètres exécutants. Malgré leurs discours de façade, voilà des comportements professionnels qui doivent paradoxalement satisfaire un ministre en quête d’obéissance et de dévotion, en amont comme en aval de lui-même. S’attaquer à cette problématique, c’est comme gérer le sort du glyphosate!

Du courage s’il vous plaît pour des transformations structurelles !

Gilles Deka, auteur de Pourquoi l’Ecole va-t-elle si mal ?

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